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Pourquoi est-il si difficile d’apprendre à se connaître ?

Pourquoi est-il si difficile d’apprendre à se connaître ?

Pourquoi la connaissance de soi n’est-elle pas plus répandue ? Pourquoi est-ce si difficile ?  Ni la paresse, ni la stupidité des êtres humains ne pourraient expliquer pourquoi nous manquons tous d’une dose de connaissance de soi. Il existe plusieurs grandes faiblesses cognitives qui nous empêchent d’avoir certaines idées sur nous-mêmes. Nous allons explorer les six raisons pour lesquelles la connaissance de soi est délicate pour les êtres humains que nous sommes, avec le genre d’esprit que nous possédons.

1. L’inconscient

Les êtres humains ont évolué pour devenir des créatures dont l’esprit est divisé en processus conscients et en processus inconscients. Par exemple, la digestion d’un déjeuner s’effectue de manière inconsciente alors que réfléchir à ce que nous aimerions faire le week-end est conscient.

La raison de cette division est la bande passante. Nous ne pourrions tout simplement pas faire face si tout ce que nous faisions devait être filtré au travers de l’esprit conscient.

Lorsque nous commençons notre vie en tant qu’enfants, nous rencontrons de grandes difficultés par rapport à la conscience que nous avons de nous-même. La nature nous a structurés de telle manière que la conscience de soi n’arrive que tardivement. En effet, il suffit d’étudier le fonctionnement des enfants pour savoir que la conscience de soi se développe très tard dans l’évolution d’un individu.

En général, nous pouvons affirmer que nous souffrons parce qu’une partie trop importante de notre comportement se produit inconsciemment. Nous gagnerions à mieux comprendre ce qui se passe réellement. L’équilibre par défaut entre conscient et inconscient à tendance à être erroné. En effet, nous avons tendance à laisser trop d’éléments en lien avec qui nous sommes, se produire dans l’inconscient.

De manière générale, nous devons faire des efforts considérables pour corriger ce déséquilibre et amener plus de nos vies dans le domaine du conscient.

2. L’esprit rationnel et l’esprit émotionnel

De manière traditionnelle, nous concevons notre esprit comme ayant une petite part de rationnel et une grande part d’émotionnel.

Platon a comparé la part rationnelle à un groupe de chevaux sauvages entraînant l’esprit conscient.

De nos jours, les neuro-scientifiques parlent de trois parties du cerveau:

  • le cerveau reptilien
  • le cerveau limbique
  • le néocortex

Le cerveau reptilien est, comme son nom l’indique, le plus ancien et le plus primitif. Il s’intéresse à la survie de base et réagit immédiatement, de manière instinctive, inconsciemment et plutôt de façon agressive et de manière destructive. C’est lui qui intervient si un lion vous surprend dans la jungle.

Le cerveau limbique a connu un développement ultérieur et concerne les émotions et les souvenirs.

Le néocortex a connu un développement très tardif et correspond à l’endroit du cerveau où se trouvent nos facultés supérieures de raisonnement.

Nous n’avons pas à comprendre la terminologie précise pour comprendre la dérive : une grande partie de nos vies est dominée par des réponses automatiques, sur-émotionnelles et déformantes par les parties « inférieures » de l’esprit. Ce n’est qu’occasionnellement que nous pouvons espérer acquérir une perspective rationnelle grâce à nos facultés supérieures.

3. La résistance Freudienne

Les choses ne demeurent pas inconscientes seulement par accident. Sigmund Freud considérait que ces éléments restent inconscients à cause d’un certain dégoût de notre part : il y a selon lui une grande résistance à rendre conscient une grande partie de notre inconscient.

L’inconscient contient des désirs et des sentiments qui défient profondément une vision plus confortable que nous avons de nous-mêmes. Si nous apprenions à mieux nous connaitre, nous pourrions découvrir que nous sommes attirés par un autre sexe ou que nous avons des ambitions de carrière très différentes de celles que la société attend de nous. De ce fait, nous « refusons » donc d’en savoir trop sur nous-mêmes dans de nombreux domaines. Cela pourrait ébranler la paix que nous nous sommes construits à court terme et dont nous sommes dépendants.

Selon Freud, nous en payons le prix fort. La paix à court terme est instable. Pour reprendre l’un de ses termes, cette courte paix est « névrosée » et nous coupe des avantages d’une honnêteté sur le long terme sur certains aspects de notre identité.

Trop souvent, nous nous disons qu’il est « plus sûr de ne pas y aller ». Cette résistance signifie que nous échappons à l’humiliation qui serait celle d’admettre certains de nos désirs et particulièrement ceux qui sont en contradiction avec ce que nous aimerions être ou comment les autres voudraient que nous soyons. Nous réduisons nos souffrances immédiates mais le prix que nous payons est celui de ne pas nous diriger vers ce qui nous rendrait vraiment heureux.

4. Les autres n’oseront pas nous le dire 

De nombreux aspects de notre identité nous sont difficiles de percevoir sans l’aide d’une autre personne. Nous avons besoin que les autres soient notre miroir, nourrissant leurs idées et leurs perspectives sur les parties insaisissables et difficiles à voir de nous-mêmes.

Cependant, obtenir des données venant d’autres personnes est un processus très peu fiable. Très peu de gens feront l’effort de répondre à cette difficile tâche qui est celle de nous donner un feedback.

Soit ils nous détestent trop pour s’embêter à prendre le temps de nous donner ce feedback, soit ils nous aiment trop et ne veulent pas nous blesser.

Nos amis sont trop polis, leurs bonnes intentions les amènent à garder pour eux les observations moins agréables qu’ils ont à notre égard. Nos ennemis ont, quant à eux, beaucoup à nous dire : ce ne sont pas toujours les gens que nous aimons qui voient le mieux certains aspects de nos personnalités.

C’est peut-être quelqu’un avec qui nous sommes en désaccord qui a le sens le plus aigu de ce qui ne va pas chez nous (par exemple, il remarque le fait que nous laissons tomber les gens pour suivre nos propres plans…) Malheureusement, ce ne sont pas vers ces personnes que nous nous tournerons pour solliciter leurs observations et partager leur sagesse. En effet, nous craignons soit qu’ils ne prennent pas le temps de le faire, soit qu’ils le fassent d’une manière brusque ce qui nous rendra défensifs et fermés aux aspects les plus sages de leurs dures évaluation de nous-même.

5. Nous n’avons pas encore suffisamment vécu

De nombreux éléments de connaissance de soi ne viennent qu’à travers l’expérience. Nous devrions nous imaginer comme un moule à biscuit : ce n’est qu’en nous pressant contre la pâte de la vie que nous pouvons voir quelle forme nous avons réellement.

La connaissance de soi n’est donc pas quelque chose que nous pouvons uniquement faire de manière isolée, en nous retirant du monde pour regarder en nous-mêmes.

Nous acquérons des connaissances de manière dynamique, en essayant des choses et en nous confrontant aux autres, ce qui comporte toujours une part de risque et une prise de temps nécessaire.

En termes de travail, nous ne pouvons pas savoir quel type de carrière nous souhaitons et ce que nous voulons faire de notre vie simplement en nous posant la question. Nous avons besoin de nous immerger dans le monde du travail et expérimenter. Nous devons par exemple passer une semaine chez un architecte ou aller rencontrer quelqu’un dans un service diplomatique.

La connaissance de soi ne peut se faire que grâce au dialogue avec le monde.

6. Nous sommes imprécis

Nos pensées sur de nombreuses choses sont d’abord et avant tout marquées par de l’imprécision. Nos muscles intellectuels sont par nature plutôt faibles. Nos réactions spontanées aux choses sont souvent de l’ordre du « j’aime » ou « je n’aime pas ». Nous avons des sentiments favorables ou défavorables sur les choses mais nous avons du mal à en dire plus. Nous disons des choses comme :

Je veux être créatif
Je déteste les grandes entreprises
Je me sens mal
Il m’agace

Ces déclarations peuvent être vraies, mais ce ne sont pas des éléments de très haute qualité en termes de connaissance de soi. Ils ne sont pas assez précis pour mener à l’action. Ce n’est pas qu’ils sont faux, le problème est qu’ils sont trop vagues. Ils ne permettent pas de savoir quel est vraiment le problème.

Ces déclarations ne constituent pas un problème personnel et pourraient être les mêmes pour beaucoup de personnes. Elles sont universelles. Les premiers rapports de notre esprit conscient sont par nature très vagues et nécessitent donc une analyse soutenue.

7. L’introspection est peu prestigieuse et peu connue

L’introspection est le nom que nous donnons à l’analyse approfondie de nos sentiments ainsi que de nos idées.

Malheureusement, elle n’est pas très prisée dans notre société. Nous sommes rarement encouragés à dévoiler nos pensées. La notion de ce que signifie avoir une conversation avec un ami comprend rarement le fait d’essayer de faire des progrès dans le tri de nos sentiments. La psychothérapie, l’arène privilégiée pour s’analyser n’intéresse à peine qu’ 1% de la population.

Une des manières de développer la connaissance de soi à l’échelle de la société serait de rendre l’introspection un peu plus attrayante. Elle devrait être considérée comme un concept à explorer lors d’un week-end entre amis ou lors d’un dîner.

By The School of Life

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